La Gestion des déchets : qu’en est-il du rôle des particuliers?
Par Cécile Mazellier et Ivan Topalovic
La notion de « déchet » a été difficile à définir juridiquement « Toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire »[1] , elle reste cependant protéiforme et complétée par la définition de ce qui n’est pas un déchet (par exemple les sédiments non dangereux ou les effluents gazeux émis dans l’atmosphère).
Mais, selon Jean-Louis Bergey le meilleur déchet reste avant tout celui que l’on ne produit pas d’où l’idée d’en produire déjà moins.
Ce sujet est d’actualité, ainsi sur le site de l’ADEME [2]nous pouvons d’ailleurs découvrir ces jours (fin novembre) la promotion de la « semaine européenne de réduction des déchets ».
La loi17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte [3] inclut la prévention de la production de déchets dans ses priorités. Lors du travail collectif précédent « Secteur déchets et développement durable » [4], et en lien avec des réflexions sur un packaging « le plus environnemental possible » concernant les produits agroalimentaires que je développais dans ma société [5], l’éco-conception nous était apparu un concept intéressant, incluant une réflexion sur l’amont : « Selon la norme ISO 14062 , l’éco-conception est la conception d’un produit, d’un bien ou d’un service, qui prend en compte, afin de réduire, ses effets négatifs sur l’environnement au long de son cycle de vie, en préservant ses qualités ou ses performances. Il s’agit donc d’une démarche préventive en amont de la conception ou de l’amélioration d’un produit. »[6].
Nous avions même étudié un cas pratique par le biais de fiches mises à disposition sur le site de l’ADEME (« Ecoconception aux laboratoires Maurice Messegué de Fleurance » avec une réduction obtenue de 13% du poids de leurs emballages).
La conférence de Bruno Siri du Conseil National de L’emballage ( CNE) en novembre 2014 reprenait également la problématique de l’écoconception, le CNE diffuse en effet sur son sites des fiches pratiques comme « Eco-conception et emballage » [7], les points clés de l’éco-conception étant ainsi définis : intégrer dès le début l’ensemble des acteurs internes et externes concernés par le produit, intégrer l’usage par le consommateur, raisonner sur le système complet d’emballage afin d’éviter tout transfert d’impact, optimiser le poids et/ou le volume d’emballage pour une valeur d’usage définie du produit, optimiser l’utilisation des ressources lors de la production des emballages, et enfin rendre en compte la fin de vie des emballages. Pour Alain Geldron de l’ADEME, l’éco-conception est un des axes du concept d’économie circulaire et la réflexion en amont sur la packaging doit ainsi inclure la diminution de l’intensité matière, la facilitation du réemploi, réparation, recyclage…
Mais l’éco-conception n’est qu’un des moyens parmi ceux disponibles pour réduire la production de déchets et s’il fut discuté entre nous de l’initiative « Territoire zéro déchet, zéro gaspillage »[8] Alain Geldron a reconnu l’intérêt de ce type d’initiative auprès des collectivités locales tout en signalant que l’objectif « zéro » , au pied de la lettre, resterait cependant probablement une utopie.
La production de déchets en France est respectivement de 247 millions de tonnes pour le secteur de la construction, 68 millions de tonnes pour les activités industrielles et 30 millions de tonnes pour les ménages.[9]
Les déchets issus des ménages ne représentent donc que 8% de l’ensemble produit.
A la vue de ces chiffres, ne peut-on considérer que la pression mise sur les ménages en ce qui concerne leurs déchets, mettant indirectement en cause la notion de consommation responsable, est infondée ?
Au principe général : « Toute personne qui produit ou détient des déchets … est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter [les] effets [nocifs] »[10] s’ajoute l’exception ; « Les communes, la Métropole de Lyon ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, l’élimination des déchets des ménages. »[11]
In fine, le flux des déchets ménagers se retrouve noyé dans la globalité des déchets que la commune est obligée de gérer.
La pression sur les ménages a été croissante au fil des années, alors que les chiffres montrent le peu d’impact qu’un changement d’attitude aurait. Passerait-on de 8 à 4% de génération de déchets des ménages, le reste représenterait mathématiquement non plus 92, mais 96% de la totalité.
Force est de constater qu’un ménage ne peut produire plus de déchets qu’il ne consomme ; des produits entrent, une transformation intervient, et des déchets ressortent. Or l’achat de produits finis avec des emballages surdimensionnés devraient être la responsabilité des entreprises et rentrer dans leur comptabilité (en tonnes et non pas financièrement puisqu’elles sont déjà redevables d’une éco-taxe pour participer au traitement final du produit). Le sujet de l’éco-conception se penche sur ce sujet pour essayer de réduire la source de déchet en amont.
Un autre exemple est le déchet de sacs plastiques. La solution était simple: interdire son utilisation.
Combien a-t’il fallu d’années pour en arriver à cette solution ? Pourquoi l’industrie n’a t’elle pas proposé, comme c’est le cas aux Etats-Unis, des sacs en papier, avec l’image que nous avons dans les productions cinématographiques américaines lorsque les acteurs sortent d’une grande surface?
La solution est passée par une campagne de sensibilisation/culpabilisation sur les effets des sacs en plastique sur l’environnement. La schizophrénie habituelle des pouvoirs publics se retrouve ici ; on veut limiter la vitesse mais on permet la vente de voitures qui dépassent les 200km/h, on veut limiter les déchets mais on autorise jusqu’à cette année les sacs plastiques.
Si le lobbying industriel est le problème, ne culpabilisons pas le consommateur, qui, comme l’a mentionné M. Yvon Pesqueux[12], paye pour faire rentrer un produit dans sa sphère privé, et se voit obliger de payer pour se débarrasser de ce produit arrivé en fin de vie ou aux déchets que ce produit implique au travers de la TOM (Taxe sur les Ordures Ménagères).
En plus de cette double peine financière, le consommateur se voit pratiquement coupable de consommer, ou de consommer de manière non responsable[13], alors que son acte de consommation rentre de plein fouet dans le calcul du PIB, le faisant participer à la richesse et à la croissance du pays, chiffre évoqué tous les trimestres dans l’espoir de le voir augmenter.
D’où le découplage souhaité entre croissance et production des déchets….mais les ménages sont-ils réellement concernés ?
Bibliographies :
[1] Code Env. art L 544-1-1
[2] http://www.ademe.fr/actualites#actualite-117404 « Lors de la Semaine européenne de la réduction des déchets (SERD), qui se tient du 21 au 29 novembre 2015 dans toute la France, découvrez l’une des 3 380 actions de sensibilisation qui se dérouleront près de chez vous » consulté le 24/11/15
[3]http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=AC77DA9CD39004E0F5F2A09FE4980866.tpdila23v_2?cidTexte=JORFTEXT000031044385&categorieLien=id consulté le 24/11/15
[4] Travail collectif sur le secteur « déchets et développement durable » Virginie Beaudor et Cécile Mazellier 2014
[5] Société « MSBC Jardin poétique »
[6] http://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/organiser-demarche-environnementale/dossier/eco-concevoir-produits/enjeux-lecoconception-benefices-lentreprise-leconomie-lenvironnement consulté novembre 2014
[7] http://www.conseil-emballage.org/wp-content/uploads/2014/09/ecoconception_emballages_19-0914-final.pdf consulté le 24/11/15
[8] http://www.developpement-durable.gouv.fr/Territoires-zero-dechets-zero
[9] Cours de M. Bergey pendant son intervention
[10] Art L. 541-2 du Code de l’environnement
[11] Art. L 2224 – 13 du Code Général des Collectivités Territoriales
[12] Cours au DDO XII, module I
[13] « Il faut passer d’une économie de cow-boy à une économie de cosmonaute », Kenneth E Boulding, mentionné dans le cours de M. Bergey.